Je sais ce que ça fait de chercher une solution à l’anxiété, ou ne serait-ce qu’un témoignage positif qui donne l’espoir de s’en sortir. Aujourd’hui, ce qu’on voit partout c’est des articles qui citent tous les symptômes possibles du trouble anxieux et qui disent aussi, souvent, qu’on ne guérit pas un trouble anxieux mais qu’on apprend à vivre avec.
On ne guérit pas un trouble anxieux, on apprend à vivre avec ?
Ça, vraiment, je ne peux plus l’entendre. Déjà parce que ça flingue le moral de toutes les personnes qui étaient motivées pour s’en sortir, mais aussi parce que c’est faux, tout simplement. J’ai personnellement refusé ce genre de discours parce que je savais au fond de moi qu’il y avait quelque chose à faire. Et j'ai eu raison de me faire confiance, parce que je n’ai plus de trouble anxieux aujourd’hui. Plus de symptômes, plus de rechutes. Bien que je sois toujours une humaine avec des émotions et qui vit des hauts et des bas évidemment.
Avant de raconter mon histoire, j’aimerais te rappeler que c’est mon expérience personnelle et qu’elle peut être différente de la tienne. Donc prends du recul, au fond c’est toi qui te connaît le mieux et qui sait ce dont tu as besoin (même si parfois tu te sens perdu).
Chaque trouble anxieux est différent parce que chaque personne et chaque histoire est différente. Personne ne peut dire avec certitude que ton cas est une fatalité. Surtout que, quand on s’intéresse de près à ce sujet, on se rend vite compte qu’on peut agir sur les différents facteurs qui mènent au trouble anxieux et qui l’entretiennent. Pour toutes les pistes de solutions, je ferai un autre article. Dans celui-ci je vais me concentrer sur mon parcours avec l’anxiété. Pour t’expliquer d’où je viens et que tu puisses éventuellement te sentir moins seul.e.
Pour ne pas trop m’y perdre, je pense que je vais te raconter les choses de façon chronologique.
J'ai déclenché un trouble anxieux sans cause apparente
J’ai déclenché mon trouble anxieux vers 22 ans, mais en y regardant de plus près j’avais déjà des peurs assez intenses petite, bien que j’ai eu une enfance très heureuse.
De mes 7 à mes 14 ans j’ai eu des troubles du sommeil avec des terreurs nocturnes et du somnambulisme, et c’était vraiment très fréquent. Je n’ai pas été suivi pour ça à cette période-là. C’était une autre époque, on ne savait pas forcément tout ce qu’on sait aujourd’hui sur la santé mentale.
Puis à mes 14 ans, on a déménagé et c’est passé, sans vraiment d'explication. J’étais quand même une adolescente assez stressée par le regard des autres avec peu de confiance en soi. J’essayais, comme beaucoup à cet âge, d’être la bonne pote, sympa et drôle pour être accepter socialement et je m’en suis pas trop mal sortie. J'ai de bons souvenirs de mon adolescence.
Donc revenons à mes 22 ans. Que s’est-il passé à ce moment-là ? Bonne question… Je fais partie de ces personnes qui n’ont pas eu un traumatisme bien identifié déclencheur de l’anxiété. Je n’ai pas vécu un truc qui a fait basculer ma vie. Mais je dirai que cette année-là, j’allais de moins en moins bien, tout en me voilant la face sur ma santé mentale.
À l'origine de mon anxiété, des causes multiples
Avec du recul, j’ai pu identifier l’accumulation des choses qui m’ont mené au trouble anxieux.
Cause n°1 : le refoulement des émotions
Je dirai que la première chose, la plus importante, c’est que je ne savais absolument pas quoi faire de mes émotions. Et ce, finalement, depuis l’enfance. Et quand on ne sait pas quoi en faire, on peut avoir tendance à les étouffer, les intérioriser, les mettre de côté pour plus tard.
Sauf que le « plus tard » il arrive un jour ou l’autre ! On ne peut pas négliger toute sa vie ses émotions. Elles sont stockées dans le corps jusqu’au jour où le corps ne peut plus.
Je pense que ça a été un gros sujet pour moi. Car jusqu’à il y a pas si longtemps je ne savais pas vraiment ce que c’était « ressentir » des émotions. Je ne savais jamais comment je me sentais, j’avais l’impression d’être toujours plutôt neutre, couper de mes sensations à partir des épaules. Toujours dans ma tête. Mais les émotions, ça n’a rien à voir avec les pensées. C’est une sensation physique qui passe par le corps. Ça pourra faire le sujet d’un prochain article 😉
Cause n°2 : la perte de sens
La deuxième chose, c’est que je ne trouvais plus de sens à ma vie, alors que d’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours chercher ce sens. Depuis petite. Et là, à l’entrée dans la vie active, j’ai vraiment eu ce truc de me dire « qu’est-ce que je fais là ? ».
J’avais fait des études de com’ à Strasbourg que j’avais plutôt appréciées, puis j’ai du emménager à Paris pour faire un master en direction artistique (j’étais plutôt créative et c'était la suite logique). Sauf que j’ai détesté Paris, trop stressant et oppressant pour moi qui venait de la campagne. Et je n'ai pas aimé la réalité du métier dans les agences parisiennes ni comment j'ai été traitée en tant que jeune alternante. Je n'étais déjà pas attirée par ce milieu, et j'en ai été très vite dégoutée. Mais à l’époque, je ne voulais pas me l’avouer, parce que j’avais l’impression que c’était ça la vie d’adulte, et que j’allais m’y faire comme tout le monde. Et toutes façons, je ne savais pas quoi faire d'autre.
Cause n°3 : une mauvaise hygiène de vie
La troisième chose, et pas des moindres, c’est mon hygiène de vie à l’époque. Depuis que j’avais commencé mes études et que je vivais seule, je mangeais n’importe quoi. Je mettais mon argent, gagné en faisant du baby sitting, dans les sorties avec mes amis. Je mangeais quasiment tout le temps des pâtes à la sauce tomate parce que je gardais mon argent pour les sorties à base de bière et de fast food (soyons honnête).
C’est aussi la seule période de ma vie où j’ai arrêté complètement le sport alors que j’en ai toujours fait. D’ailleurs à l’époque, il y a eu un premier grand signe de déséquilibre, j’étais extrêmement constipée et ballonnée. Je n’allais parfois pas aux toilettes pendant une semaine. Donc mon corps me parlait déjà, mais je n'ai pas su l'écouter.
Puis par la suite, j’ai commencé à avoir des troubles digestifs beaucoup plus forts et invalidants. Je me sentais mal dans ma peau. Alors, comme je n’y connaissais à ce moment-là pas grand chose, je suis partie un peu dans les extrêmes. D’abord énormément de sport, jusqu’à 6 fois par semaine le matin à 7h avant d’aller au boulot. Avec des repas très protéinés, peu de glucides et du jeune intermittent, puis des phases boulimiques. J’étais pommée, je n’allais pas bien et je ne comprenais pas ce qui n’allait pas. Je me suis épuisée et affamée. J’ai fait l’erreur de maltraiter encore plus mon corps au lieu de l’écouter. Pour rappel, à l’époque, j’étais complètement coupé de mes ressentis, le mental prenait toute la place.
Cause n°4 : une auto-exigence extrême
Enfin, la quatrième chose qui, à mon avis, à largement contribué au déclenchement de mon trouble anxieux, c’est l’exigence envers moi-même et le perfectionniste que je m’imposais sans même m’en rendre compte. Je ne m’autorisais pas à aller mal, à poser mes limites et à demander de l’aide. Parce que j’avais toujours en tête que j’étais privilégiée et que je n’avais pas de « vrais problèmes ». J’avais un toit, un boulot, des amis, un copain, ma famille… Je me devais d'aller bien ! Et ça, ça m’a enfoncé un peu plus, c’est certain. Je rentrais alors dans la période la plus difficile de ma vie. Je ne me suis jamais sentie aussi seule et terrifiée qu’à ce moment-là.
N. B. (Note Bienveillante) : tout le monde a le droit d'aller mal, ne jamais minimiser la souffrance de quelqu'un sous prétexte que sa vie a l'air cool.
Comment j'ai fait ma première crise d'angoisse
Avec tous ces ingrédients qui macéraient depuis un petit moment, ça a créé un cocktail explosif. A 22 ans, j’ai ma première crise d’angoisse. Je suis en vacances et j’ai pensé mourrir pendant un trajet en bus. J’étais complètement terrifiée par la route de montagne et le fait que personne n’attache sa ceinture. J’avais envie de pleurer, de m’évanouir et de sortir immédiatement du bus en même-temps. Ce jour-là je me contiens énormément parce que je me rends bien compte que je suis la seule paniquée. Je crois que j’avais conscience que ma peur était excessive, mais je n'ai pas pensé tout de suite à une crise d’angoisse. Je me disais que c’est la situation en elle-même qui était angoissante (et ça l’était un peu quand même). Sauf qu’en rentrant, j’ai les mêmes symptômes dans l’avion : j'ai l'impression que je vais mourir. J’arrive exténuée par l’énergie que cela m’a pris de contenir ma panique. Je me dis que je ne reprendrais plus jamais l’avion.
La descente aux enfers : l'isolement causée par l'anxiété
Puis en retournant à Paris, c’est la descente aux enfers. Je fais des crises d’angoisse presque chaque nuit. J’ai des périodes d’insomnies. J’étais à l’époque en alternance et je loupais beaucoup de cours le matin parce que je me sentais incapable de me lever pour affronter la journée. Puis je commence à être extrêmement angoissée dans le métro. Je n’y vais quasiment plus, je fais tout à pieds quand je peux. Je ne raconte pas vraiment ce qui m’arrive. Je minimise. J’invente d’autres excuses. Mes amis me trouvent changée, moins drôle, je ne sors plus autant qu’avant parce que les événements sociaux m’angoissent énormément. Je m’isole de plus en plus.
À cette époque là, j’essaye la sophrologie, mais ça ne m’aide pas. Je vais voir un médecin qui me dit que le problème c’est Paris (si seulement c'était si simple) et me prescrit des somnifères que j’ai décidé de ne pas prendre. J’ai aussi consulté une coach pour personne hypersensible parce que je pensais que c’était peut-être ça la cause de mes problèmes (sans grande certitude). C’est très personnel, et cette coach a surement aidé des gens, mais pour moi ça a empiré les choses parce que ça m’a laissé croire que mon trouble anxieux était une part de ma personnalité. Alors qu’un trouble anxieux, c’est un trouble mental et donc par définition, une maladie. Et ça n’a rien à voir avec la personnalité, qu’on soit hypersensible ou pas. Avec du recul, je n'étais juste pas sa clientèle cible et elle ne s'est pas rendue compte que j'avais un trouble mental. J'ai arrêté de moi-même ce suivi.
Au court de cette année-là, il y a eu une nuit particulièrement marquante où j’ai passée les heures les plus terrifiantes de ma vie. J’avais une peur profonde et indescriptible de devenir folle ou de faire une grosse dépression. J’étais terrorisée, je tremblais, je respirais mal et je n’arrivais plus à bouger. J’avais des pensées intrusives et des ruminations terribles. En fait, j’ai fait une grosse crise d’angoisse ou j’avais peur de ne jamais m’en sortir.
Comprendre mon trouble anxieux pour aller mieux
Le lendemain, j’ai décidé que c’était hors de question de continuer comme ça et que je devais essayer autre chose. J’ai passé ma journée à faire des recherches sur google et j’ai trouvé une piste intéressante : la TCC. Thérapie Cognitive et Comportementale. D'après mes recherches, la seule vraiment efficace par rapport aux symptômes que j’avais. Je contacte une psychologue sur Paris qui en a fait sa spécialité. Et j’attends, non sans difficulté, 3 mois avant d’avoir une place pour un rdv avec elle. C’est la première très bonne décision que j’ai prise.
Avec cette professionnelle, j’ai un diagnostic. Je comprends que j’ai un trouble anxieux avec une anxiété sociale forte et de l’agoraphobie. Elle me permet de comprendre mes symptômes et de travailler sur mes schémas de pensées. Elle m’aide aussi à m’éduquer sur mes émotions. À comprendre ce que je ressens et comment le vivre et l’exprimer. Cette thérapie m’aide énormément à déculpabiliser et à accepter ce que je vis.
En parallèle, en cherchant à soigner mes troubles digestifs, je découvre le métier de naturopathe et c'est le vrai coup de coeur. J'entame dans l'année ma formation de naturopathe. Je travaille toujours à plein temps, mais je passe en freelance et je déménage à Bruxelles. Moralement, les choses vont mieux parce que j’ai plus de compréhension sur ce qui m’arrive et d’espoir. Je m'accroche aussi à ce nouveau projet professionnel et à cette nouvelle vie en Belgique. Mais je suis toujours très handicapée par l’anxiété au quotidien. Je ne vis pas normalement, chaque sortie, chaque crise, me demandent une force que je n'ai pas toujours.
La guérison de mon trouble anxieux : une prise en charge globale nécessaire
C’est grâce à mes études de naturopathie, grâce à mes lectures (notamment beaucoup de Christophe André) et en testant énormément de choses par moi-même que les symptômes s’atténuent au fur et à mesure des mois.
Je comprends l’impact de l’hygiène de vie, la nécessité de reconstruire ma paroi intestinale et mon microbiote, de combler mes déficits alimentaires, l’importance de me reconnecter à mon corps et de lui faire confiance et puis aussi et surtout, je comprends enfin comment fonctionne la peur dans mon système nerveux et comment inverser le cercle vicieux pour recommencer à faire tout ce que je ne pouvais plus faire.
Je mets en place une série d’exercice d'exposition à mes peurs qui va me permettre de reprendre petit à petit un quotidien normal. Progressivement, à mon rythme, et de manière régulière pour rééduquer mon système nerveux en douceur.
Les rechutes dans le parcours de guérison
Il faut savoir que mon trouble anxieux a duré environ 4 ans et demi et que j’ai eu des moments de mieux et des moments de rechutes très compliqués. Certains mois, j’arrivais à peine à sortir de chez moi et je ne mangeais plus de repas solides par peur de m’étouffer (on appelle ça la phobie de déglutition). D’autres mois, je vivais presque normalement. Parfois la peur au ventre, mais qui ne m’empêchait pas de faire ce que je voulais dans ma journée.
Le trouble anxieux, c’est la plupart du temps invisible aux yeux des autres. Une crise d’angoisse, ça ne se voit pas. Des insomnies, ça ne se voit pas. La faim au ventre parce que tu n’arrives pas à manger correctement, ça ne se voit pas. Les maux de tête, l’épuisement, les chutes d’humeur, les douleurs musculaires, le diaphragme bloqué… Rien ne s'est vu et pourtant, qu'est-ce que ça a été dur. Et peut-être que pour toi qui me lis aussi. C’est pas parce que c’est invisible que ça ne fait pas souffrir, ou que la souffrance n’est pas légitime.
Et puis avec le temps et tout ce que j’ai mis en place, avec la conviction, aussi, que j’allais me sortir de là, les rechutes se sont espacées. Et puis un beau jour, tu réalises que ça fait 2 mois que tu n’as pas eu de symptômes d'anxiété. Tu marches dans la rue en ville, tranquillement, et tu prends conscience que tu le fais en toute détente, sans le ventre noué. Tu manges au restaurant et tu prends conscience que tu as passé un bon moment et que tu as même terminé ton plat. Et ça, ces moments-là, je peux t’assurer que si tu n’as pas vécu avec un trouble anxieux, tu ne peux pas savoir quel sentiment ça fait. C’est un mélange de bonheur et de liberté incroyable pour des moments qui, pour beaucoup, sont banales.
On ne réalise pas quel bonheur c’est de vivre en bonne santé jusqu’au jour où on la perd. On réalise aussi peu combien c’est important de vivre sa vie pour soi et en accord avec ses valeurs et ses besoins.
Le trouble anxieux : l'après
Je me suis longtemps demandé qui j'allais être sans mon trouble anxieux. Il avait tellement pris toute la place dans ma vie que j'avais du mal à m'imaginer sans. Maintenant, des années après, je peux te dire que n’ai jamais été aussi heureuse qu’aujourd'hui. Avant le trouble anxieux, je ne me connaissais pas. Je n’avais pas conscience qu’il fallait que je me rencontre vraiment, que je prenne soin de moi comme une amie et que je fasse confiance en mon instinct.
Aujourd’hui, je vis dans un lieu où je me sens bien, je fais un travail qui m’anime, je suis moi-même avec les gens que j’aime, je laisse aller et venir mes émotions, je communique beaucoup, je prends soin de mon corps et j’ai confiance en la vie.
La confiance en la vie, quand on revient d’un trouble anxieux, ça n’a pas de prix. Et moi je te partage tout ça pour te montrer que c’est possible. C’est ma réalité et je te souhaite de tout coeur que ce soit la tienne si tu vis avec un trouble anxieux aujourd’hui.
C’était mon témoignage sur le trouble anxieux avec le recul de quelqu’un qui a pu s’en sortir. J’ai été à la place de celle qui cherche désespérément sur google un témoignage positif. Je sais que c’est rare, donc c’était important pour moi de le faire. Je ne pense pas que ce soit rare parce que peu de gens sortent d’un trouble anxieux. Je crois plutôt que tout le monde n’a pas envie de se replonger là-dedans une fois que c’est terminé. Je comprends l’envie de passer à autre chose. Mais pour moi, le besoin de transmettre à toujours été là. C’est l’essence même de mon métier et de ce que je propose ici après tout !
😊 Et si tu veux écouter les épisodes de mon podcast, c'est par là !
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